«Le journaliste qui s'occupe de livres témoigne, comme l'affirmait Albert Thibaudet, "de ce qui se parle publiquement" et "se modèle sur l'au-jour-le-jour de la production littéraire". Visible et exposé, il est soumis à la tentation, aux séductions de ce "pouvoir". Sa proximité avec le monde de l'édition n'arrange évidemment rien. Un certain discrédit l'affecte, qui prend aujourd'hui des proportions inquiétantes. Le soupçon n'a pas de contours ou de motifs fixes. Il varie au gré des humeurs, obéit aux lois grégaires de la polémique, cède aux plaisirs de la malveillance... A son tour, le critique journaliste se rebiffe, se défend, attaque. Douter ou se "contester" lui semble une faiblesse, jouer un rôle, exercer une influence, un désirable bénéfice secondaire. Il en oublierait presque le vrai sens de la relation critique, qui est, encore et toujours, de mettre en jeu, comme le disait Jean Starobinski, "deux vérités personnelles", celle de l'oeuvre et celle du lecteur, puis de vivre "leur intégrité préservée". »
[Patrick Kéchichian, Le Monde. Ler tudo aqui.]